CHAPITRE 9
La cible était assise seule dans son bureau, tournée en direction d’un mur en transparacier. Celui-ci laissait voir les tours scintillantes du District du Sénat qui perçaient la couche des nuages nocturnes. Une aura d’amertume et de regret rendait l’atmosphère de la pièce froide et pesante au travers de la Force. Ben n’aurait toutefois pas su dire si ces sentiments étaient les siens ou ceux d’Omas. Avachi dans son grand fauteuil, avec les cheveux en bataille et de lourdes poches violacées sous les yeux, le leader en disgrâce n’avait clairement pas l’air d’un homme en train de comploter pour reprendre le pouvoir.
Mais les apparences étaient souvent trompeuses. Et Cal Omas n’avait pas maintenu la cohésion de l’Alliance Galactique pendant si longtemps en se montrant naïf ou pétri de principes. Durant la crise du Nid Obscur, lorsque les Jedi l’avaient mis en colère en réclamant que les Chiss parviennent à un compromis équitable avec les Killik, il s’était montré prêt à faire usage de fausses promesses, de manipulation politique et même d’emprisonnement illégal pour saper l’autorité de l’Ordre Jedi. Il n’était pas difficile d’imaginer qu’il ait pu valider l’assassinat de la mère de Ben... ou que celui-ci puisse y croire.
Ben tourna son attention vers le massif Gardien de chez Tendrando Armes qui se tenait près du bureau du chef d’État.
Avec son armure de laminanium, ses bras épais chargés d’armes diverses et l’air sévère que lui conférait sa fente vocale inversée, c’était en gros la version VIP du droïde de défense qui avait servi de compagnon et de protecteur à Ben durant son enfance. Songeant que ce droïde devait avoir le même design interne que sa nounou, il visualisa le coupe-circuit dissimulé sous l’armure du cou et utilisa la Force pour l’activer.
Les photorécepteurs du Gardien s’éteignirent un bref instant ; puis on entendit un « clic » et le coupe-circuit se désactiva tout seul. La tête cubique du droïde se tourna vers l’alcôve dans l’entrée depuis laquelle Ben l’observait.
— Non ! (Ben enclencha une nouvelle fois l’interrupteur... et entendit un deuxième « clic ». De toute évidence ce défaut de conception avait été corrigé.) Non, non !
Le Gardien leva un bras, qu’il braqua en direction de l’alcôve. Un flot de minuscules fléchettes jaillit du bout de ses doigts.
— Ne vous alarmez pas, lança le droïde. Intrus armé. Entamez une manœuvre d’évasion.
Il s’adressait à Omas, mais Ben plongeait déjà vers lui. Il atterrit avec une roulade et tira une boule à effet gauss, l’équivalent d’une grenade incapacitante pour droïdes, de son harnais d’équipement. Le projectile s’écrasa sur le torse blindé du droïde, formant une masse d’énergie crépitante.
Au lieu d’agir comme un zombie paralysé, comme Ben s’y attendait, le Gardien tituba à l’aveuglette en agitant les bras. Une salve de tirs énergétiques fendit l’air du sol au plafond. De toute évidence, le bouclier antimagnétique du droïde avait été amélioré au-delà même des normes militaires. Bon sang ! Jusque-là, rien ne se passait comme prévu dans cette opération. Ben fit un saut périlleux en direction du Gardien, qui changea de direction pour s’écraser dans un buffet sur le mur adjacent, en face de l’élégant bureau d’Omas.
Ben alluma son sabre laser et se redressa. Il employa la Force pour se projeter sur le flanc du droïde et visa le bras doté d’un canon. Le laminanium était si résistant que son premier coup ne l’entailla qu’à moitié. Le Gardien se tourna vers lui et son bras s’abattit comme une massue, ses doigts projetant des fléchettes dans plusieurs directions.
Ben suivit le mouvement du bras-canon et frappa de nouveau, en laissant la Force le guider. Il sentit sa lame s’enfoncer dans l’entaille précédente et traverser le métal. Puis il se tourna vers l’autre membre et frappa la main lance-fléchettes au niveau du poignet.
La main tomba au sol, mais l’avant-bras atteignit le jeune Jedi à la tête et le projeta contre le mur. Ben glissa jusqu’au sol. La tête lui tournait et ses oreilles bourdonnaient, mais il était toujours conscient et capable d’agir. Plus ou moins. Il désactiva sa lame et agrippa la partie inférieure de la plaque blindée sur la poitrine de son adversaire, ce qui lui permit de se redresser et coincer la garde de son arme contre l’aisselle du droïde.
Même déréglé par la boule à effet gauss, le droïde avait conscience de sa vulnérabilité et il tenta de pivoter pour esquiver. Ben tint bon et ralluma son sabre laser. La lame transperça le torse épais, réduisant le processeur central en fumée. Ben se retrouva enterré sous une avalanche d’armure comme le Gardien abattu s’affaissait sur lui.
Fallait-il vraiment que tout aille de travers ?
Ben fit appel à la Force pour projeter le Gardien en arrière, puis se releva pour se trouver nez à nez avec le canon d’un pistolet blaster Merr-Sonn Power 5. À son grand soulagement, ce qu’il vit ensuite ne fut pas un flash d’énergie mortelle mais le visage perplexe de Cal Omas qui le dévisageait, sourcils froncés.
— Ben ?
Le jeune homme fit un geste de la main et le blaster s’envola à travers la pièce.
Le chef d’État regarda son arme retomber à terre et, la confusion sur son visage se changea en tristesse. Ben ne perçut dans la Force aucun signe de compréhension ou de remords suggérant qu’Omas se sentait coupable de la mort de sa mère.
L’ancien chef d’État recula avec lenteur, les mains levées, bien visibles. Il secoua la tête.
— Ah, Ben... Je suis navré que ce soit toi. C’est une terrible besogne pour quelqu’un d’aussi jeune.
Prenant soin de maintenir son sabre laser entre Omas et lui, Ben se redressa de toute sa hauteur.
— Vous savez pourquoi je suis ici ?
Du menton, Omas fit signe que oui.
— Je suis simplement surpris que Jacen ait mis si longtemps.
— Ce n’est pas Jacen qui m’envoie, répondit Ben. Je suis venu de mon propre chef.
Il était quasi certain qu’Omas ne comprenait pas pourquoi il était là, pas vraiment. Le politicien parut sceptique.
— Quel intérêt as-tu à mentir, Ben ? Dans quelques instants, je serai mort.
Ben ne chercha pas à le détromper. Il ne se sentait pas capable de lui donner de faux espoirs.
— Sans doute. (Il désigna un panneau de contrôle sur le côté opposé du bureau en bois de wroshyr.) Lequel de ces boutons abaisse les blindages intérieurs ?
Omas arqua un sourcil grisonnant ; Ben avait éveillé sa curiosité.
— Alors je dispose de quelques minutes de plus ? (Sans attendre une quelconque permission, il se pencha sur le bureau en direction des boutons.) Il te faudra quand même faire vite, Ben. Pour un Jedi, tu n’as pas été très discret.
Comme il ne percevait aucun désir de tromperie dans l’aura du chef d’État, Ben le laissa appuyer sur les boutons.
— On peut le dire. Ne fermez que les portes intérieures. Laissez la vue telle quelle.
Omas jeta un bref coup d’œil vers le mur-fenêtre. Celui-ci constituait désormais le meilleur moyen pour Ben de s’enfuir, après le tumulte qu’il avait causé. Il toucha un bouton et deux panneaux blindés coulissèrent pour bloquer la sortie du bureau. Puis il se retourna vers Ben.
— Et maintenant, que puis-je faire pour rendre tout ceci plus facile ? Quelque chose à boire ?
Omas désigna de la main un petit placard constellé de fléchettes d’où s’écoulait un ruisseau odorant et sucré. Ben fronça les sourcils.
— De l’alcool ?
Une lueur amusée passa dans le regard d’Omas.
— Tu crains d’être trop jeune pour ça, Ben ? Ou est-ce parce que c’est illégal ? (Il lâcha un petit rire sec. Son ton était vif, proche de l’hystérie.) Quelle idée ! Me voilà en train d’essayer de corrompre un assassin. Peut-être que Jacen pourra aussi me faire porter le chapeau pour ça.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire. (Ben n’aurait pas su dire pourquoi il se sentait à ce point sur la défensive. Peut-être parce qu’il était quasiment certain qu’Omas ne méritait pas ce qui allait lui arriver, qu’il allait faire partie des dommages collatéraux d’une guerre si secrète que même Jacen n’en savait rien.) Mais servez-vous. Nous avons deux ou trois minutes avant que la Sécurité de Coruscant n’arrive.
Le regard qu’Omas lança alors à Ben était plus critique que choqué.
— Tu veux dire que tu as abattu tout le détachement chargé de ma protection ?
— Je ne les ai pas tués.
Étant donné ce qu’il allait faire à Omas, ce qu’il devait faire, Ben n’avait pas de raison de s’inquiéter de ce que sa cible pensait de lui. Et pourtant, c’était bien le cas. Il éteignit son sabre laser, puis retira un cylindre de son harnais et le lança au chef d’État.
Omas était tellement secoué qu’il eut un mouvement de recul. Le cylindre rebondit sur le mur de transparacier et heurta le sol en cliquetant, sans détonner ni émettre un gaz quelconque.
Ben leva les yeux au ciel.
— C’est une capsule vide de gaz soporifique.
Omas poussa un soupir de soulagement, puis reporta son attention sur le placard. Il sélectionna une bouteille intacte, sortit un verre et se versa à boire.
— Tant mieux, Ben. J’ai cru que tu étais devenu... eh bien, comme Jacen. Mais avant que tu ne fasses ce que tu es venu faire, il y a quelque chose qu’il faut que tu saches.
Omas entrouvrit sa cape et se retourna vers Ben, révélant un petit scanner accroché à son gilet. L’afficheur laissait voir une ligne unique, qui oscillait au rythme familier d’un battement de cœur humain.
— Votre corps est piégé ? demanda Ben.
Omas opina du chef.
— Une vénérable tradition chez les chefs d’État destitués. Tu devras t’assurer que je meurs lentement, sans quoi...
Il lança un regard lourd de sens vers le plafond, suggérant qu’il s’écroulerait sur eux au milieu d’un déluge de feu et d’ondes de choc. Puis il désigna du menton le mur transparent qui donnait sur l’extérieur.
— Tu ne pourras pas passer par là non plus, la vitre est protégée par un détonateur thermique, reprit-il.
— Génial, souffla Ben. (L’opération se compliquait un peu plus à chaque seconde, et pas parce qu’il allait devoir trouver un nouveau chemin pour s’enfuir. C’était facile, comparé au fait de tuer quelqu’un qui se montrait si bon envers lui.) Euh... merci.
— Navré, Ben. J’avais espéré que Jacen se tiendrait à ta place.
Le jeune homme secoua la tête.
— Il est trop malin pour ça.
Omas haussa les épaules.
— Tout le monde fait des erreurs, dit-il. J’en ai commis beaucoup, moi aussi.
Tandis qu’il parlait, deux véhicules aériens blindés passèrent lentement devant la paroi transparente et entreprirent de faire le tour du bâtiment. Omas les regarda faire du coin de l’œil avant d’appuyer sur un autre bouton. Un rideau de protection descendit le long du mur transparent, isolant le bureau des regards extérieurs. L’ancien chef d’État inclina son verre et avala son contenu d’un trait, puis s’avança vers Ben, bras écartés.
— Il semble que nous manquions de temps, dit-il. Je ne doute pas que tu sais mieux que moi où frapper. Ne t’inquiète pas si c’est douloureux, j’en ai suffisamment fait pour le mériter. Assure-toi simplement d’avoir largement le temps de t’enfuir. Je ne veux pas quitter cette vie avec ta mort sur la conscience.
Ben employa la Force pour empêcher Omas d’approcher. La peur et la tristesse dans la présence du chef d’État laissaient entendre qu’il disait la vérité. Il essayait réellement de rendre les choses plus faciles... et cela empêchait Ben de mener le plan à son terme.
Omas était suspendu, pied levé, retenu par la Force.
— Ben. La Sécurité de Coruscant est certainement déjà dans la tour à l’heure qu’il est. Et ils se moqueront bien de savoir qui tu es. Seul comptera le fait que quelqu’un m’a attaqué.
— Je ne peux pas le faire, affirma Ben. (Il tira une baguette d’enregistrement de la poche de sa tunique.) Pas avant que vous ne sachiez pourquoi.
— Ben, je sais déjà...
— Non. Vous n’en avez aucune idée.
Ben activa la baguette d’enregistrement, puis vit Omas écarquiller les yeux en entendant sa propre voix annoncer qu’ils devaient distraire Luke Skywalker afin que ses amis au sein Conseil Jedi soient en mesure de le réintégrer dans ses fonctions. Et qu’il n’avait vraiment pas besoin de savoir comment son mystérieux interlocuteur ferait en sorte que cela arrive.
Au moment où l’enregistrement prit fin, Ben n’avait plus le moindre soupçon quant à la complicité de l’ancien chef d’État dans le meurtre de sa mère. Un politicien aussi expérimenté que lui aurait pu feindre l’expression d’horreur qui s’affichait sur son visage. Mais il n’aurait pas pu simuler la stupeur qui se déversait au sein de la Force, pas plus que l’indignation et le désespoir qui l’accompagnaient.
Le bruit assourdi d’une charge explosive conçue pour abattre la porte retentit sur la face avant de l’appartement. Le regard d’Omas finit par passer de la baguette d’enregistrement au visage de Ben.
— Tu penses que c’est moi qui ai fait tuer ta mère ?
Ben remit la baguette dans son ceinturon et relâcha la prise de Force qui tenait Omas.
— En fait, non. Je n’y ai jamais vraiment cru.
Omas fronça les sourcils.
— Mais, cet enregistrement. Tu as forcément dû...
— J’imagine que cela s’est passé de la manière suivante, expliqua Ben. Un soldat parmi ceux qui vous gardent a commencé à se montrer amical quand personne d’autre n’était présent. Et il a fini par vous confier qu’il comprenait et soutenait votre cause.
— Elle, le corrigea Omas. Le lieutenant Jonat.
Ben hocha la tête. Jonat était en fait sergent au sein de la GAG, et l’un des agents infiltrés préférés du capitaine Girdun.
— Et puis un jour elle vous a laissé utiliser son comlink. Simplement pour que vous puissiez dire à votre famille que vous étiez vivant et en bonne santé.
Ce fut au tour d’Omas de hocher la tête.
— J’ai trouvé ça suspect, évidemment. Mais j’ai pensé que Jacen essayait simplement de savoir qui j’appellerais. Et j’avais tellement envie de parler à ma fille avant... eh bien... avant que Jacen n’envoie quelqu’un comme toi.
— Alors vous avez accepté la proposition de Jonat.
— Et je m’en suis servi exactement dans le but prévu, confirma Omas. J’ai bien dit certaines des choses que tu as entendues...
— Mais pas dans ce contexte, devina Ben.
— J’essayai simplement de redonner courage à Elya, affirma Omas. Mais je ne lui ai jamais demandé, ni à personne d’autre, de détourner l’attention de ton père. Et sûrement pas en tuant Mara.
— Je le savais, dit Ben. Car je suis quasiment certain que le tueur est Jacen.
Omas restait bouche bée.
— Jacen ?!
— Il n’était pas loin lorsque c’est arrivé, expliqua Ben. Et maman savait qu’il collaborait avec Lumiya.
Omas tituba en arrière et s’appuya sur le bureau, comme s’il craignait de perdre l’équilibre. Puis une lueur d’espoir apparut dans son regard.
— Lumiya la Sith ? Tu en as la preuve ?
— Pas encore, dit Ben en secouant la tête. Pour tout dire, c’est un peu ce qui m’amène ici.
Omas semblait perplexe.
— Je ne vois pas comment je pourrais t’aider. Je n’ai connaissance d’aucune information à même de l’incriminer.
— Bien sûr. Jacen est trop prudent pour ça.
Des bruits de bottes étouffés se faisaient désormais entendre de l’autre côté des panneaux blindés, de plus en plus forts comme ils se rapprochaient. Un nouveau plan était en train de voir le jour dans l’esprit de Ben, mais il avait conscience de manquer de temps pour mettre au point les détails. Il désigna le scanner sur la poitrine d’Omas.
— Vous pouvez l’enlever ?
Omas fronça les sourcils, une lueur soupçonneuse dans le regard.
— Pourquoi le voudrais-je ?
Ben soupira.
— C’est Jacen qui m’a remis cet enregistrement, expliqua-t-il. Et pour trouver des preuves, je vais devoir me rapprocher de lui, une nouvelle fois.
Un éclair de compréhension illumina les yeux d’Omas, puis son regard pénétrant s’assombrit.
— Ce ne sont pas des preuves que tu cherches, Ben.
Au travers des panneaux blindés, on entendait des voix aboyant des ordres. Des deux côtés de la pièce.
— Bien sûr que si, affirma Ben. Mais ce ne sera pas facile...
— Tu veux tuer Jacen. (Dans la bouche d’Omas, c’était une affirmation, et non une question.) Et pour te rapprocher suffisamment, tu dois le convaincre que l’on peut te faire confiance.
Ben hocha la tête.
— C’est exact. Aussi, nous devons simuler votre mort.
— Ce n’est pas pour ça que tu es venu ici. (Le regard d’Omas était noir, perçant, presque dément.) C’est le genre de stratagème que Jacen percerait à jour en un clin d’œil.
— Pas si nous nous y prenons comme il faut. Je peux le tromper.
Ben ne pouvait pas se permettre de perdre la confiance d’Omas, pas avec la Sécurité de Coruscant sur le dos. Mais, plus important encore, il ne supportait pas d’admettre qu’il était effectivement devenu ce que craignait le chef d’État : un tueur sans pitié, une version miniature de Jacen lui-même.
Mais Omas n’était pas convaincu. Son regard accrocha le pistolet que Ben avait projeté au loin. Au même instant, la voix d’un officier retentit à travers la porte pour informer les agresseurs de Cal Omas qu’ils étaient cernés.
Le regard d’Omas se braqua sur les panneaux blindés.
— Vite ! cria-t-il en se jetant au sol. Il va me tuer !
Stupéfait, Ben le vit se relever, pistolet à la main. Le chef d’État se mit à tirer dans la direction de Ben. Il ne visait pas très bien, mais assez près pour obliger le jeune Jedi à allumer son sabre laser pour dévier les tirs.
— Attendez ! cria Ben à Omas. Vous ne comprenez pas !
Une charge explosa bruyamment dans l’alcôve par où Ben était entré. La détonation n’était pas assez puissante pour arracher la porte de ses gonds, mais suffisamment pour que Ben quitte sa cible des yeux l’espace d’un bref instant.
Il n’en fallut pas plus à Omas pour se relever et charger Ben, tout en tirant et en appelant à l’aide. Ben battit en retraite et dévia les tirs du chef d’État à l’aide de son sabre laser. Il se retrouva rapidement acculé contre un mur.
Une nouvelle charge, plus bruyante cette fois, retentit de l’autre côté du panneau blindé. Omas continuait d’approcher en tirant. Il ne visait toutefois pas à hauteur de la poitrine, pour tuer, mais au niveau du ventre du jeune Jedi.
Ben esquiva et glissa le long du mur. Il cria de nouveau au chef d’État de s’arrêter et ne comprit pas ce qu’Omas faisait, jusqu’à ce qu’une troisième détonation ne fasse trembler la porte blindée. Le politicien se jeta en avant, non sur Ben mais vers le mur à côté de lui, là où se trouvait la lame de son sabre laser.
Ben éteignit la lame du pouce et vit Omas s’écraser contre la paroi près de lui. Puis une horrible odeur de chair calcinée lui emplit les narines et il sut qu’il avait réagi trop tard. Cal Omas s’affaissa par terre ; une terrible blessure lui barrait l’abdomen, juste en dessous de la cage thoracique. Il jeta son blaster avant de relever vers Ben un regard empli de douleur.
— Il n’y avait pas d’autre... (Il s’arrêta pour tousser un mélange de sang et de fumée, avant de reprendre :) La seule manière de l’atteindre.
Une explosion assourdissante provint du côté de la porte blindée, et des volutes de fumées surgirent depuis l’alcôve. Omas tourna la tête vers le son.
— Va-t’en, Ben, dit-il. Et pardonne-moi.
— Vous pardonner ? (Ben s’agenouilla et examina la blessure d’Omas, juste le temps de réaliser que l’ancien chef d’État avait obtenu exactement ce qu’il voulait : une blessure fatale, mais qui ne le tuerait que dans trente ou quarante secondes.) C’est moi qui...
Le reste de sa phrase fut englouti par un craquement de tonnerre qui laissa ses oreilles sifflantes. Puis le bureau tout entier trembla comme le panneau blindé cédait enfin, pour s’écraser au sol. Sachant ce qui allait suivre, Ben se releva et s’appuya contre le mur le plus proche de l’alcôve. Lorsque les sphères de la taille d’un poing attendues firent leur apparition à travers la fumée, il les saisit par le biais de la Force et les renvoya dans le corridor au-delà de l’alcôve.
Les flashes blanc argenté des grenades incapacitantes illuminèrent la fumée autour de l’alcôve et Ben sentit les présences d’une dizaine d’officiers de la sécurité trembler sous l’effet du choc, de la peur et de la confusion. Gardant son sabre allumé, il pénétra dans l’alcôve et sauta par-dessus la porte abattue avant de dépasser en courant la dizaine d’hommes qui vacillaient en gémissant dans le hall, les mains plaquées contre leurs têtes casquées.
Il était hors de question de s’arrêter pour les aider. Omas ne tiendrait que durant dix ou quinze secondes de plus et il en faudrait au moins autant à Ben pour faire comprendre aux gardes étourdis qu’ils étaient en danger. Il sprinta le long du corridor, saisi par un sentiment de honte et de culpabilité tel qu’il s’y était attendu à ce stade de l’opération. Mais pas pour les raisons qu’il avait imaginées.
Une escouade de renforts lui tendit une embuscade dans le vestibule. Ils eurent la mauvaise idée de lui crier de se rendre plutôt que d’ouvrir le feu. Ben se contenta d’opérer une série de sauts et de pirouettes assistés par la Force en repoussant leurs tirs, puis atterrit dans l’entrée principale de l’appartement.
Plutôt que de s’enfuir dans le couloir pour se mettre à l’abri, Ben s’arrêta et se retourna, à la grande stupeur des gardes. Il écarta deux tirs supplémentaires, puis saisit son arme d’une seule main et fit signe à ses assaillants de le suivre.
— Venez ! cria-t-il. Je suis arrivé trop tard : l’appartement entier est sur le point d’exploser !
Le regard perplexe des soldats passa de Ben à la fumée qui jaillissait du couloir, avant de se fixer sur leur commandant. Celui-ci abaissa son blaster et s’élança derrière Ben, en criant :
— Allons-y. C’est un Jedi, non ?